Connaissez-vous la Légende de Moulissima, figure de proue égarée ?

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@Honfleurinfos Crédit photo FL

On raconte qu’autrefois, aux temps où les navires parlaient aux marées et où les algues faisaient des nœuds marins toutes seules, vivait Moulissima, une splendide figure de proue.

Sculptée dans un bois salé par les embruns et revêtue de sacs de moules bleutées, elle portait une robe chatoyante tissée de filets de pêche. Sa beauté éclatante guidait jadis un fier trois-mâts, « L’Écume Éternelle », perdu corps et âme dans une tempête capricieuse.
Depuis, Moulissima errait sans navire, flottant entre deux mondes : ni tout à fait vivante, ni tout à fait bois, un peu sirène, un peu statue, mais surtout infiniment obstinée.
Un soir brumeux, les vents facétieux la poussèrent jusque dans le port de Honfleur. Là, elle se retrouva à déambuler entre les quais, au milieu des chalutiers qui bâillaient d’ennui et des barques qui racontaient des histoires à dormir debout.
C’est alors que les pêcheurs, mi-amusés mi-intrigués, lui parlèrent des bateaux des Moulières – ces étranges embarcations à fond plat que l’on utilisait autrefois pour récolter les coquillages. On lui souffla qu’elles glissaient doucement sur l’eau, comme des casseroles célestes, et que leurs équipages chantaient des refrains capables de faire rougir les homards.
Convaincue que son navire disparu avait été réincarné en une flottille de bateaux à moules, Moulissima partit à leur recherche. Elle s’adressa aux goélands syndiqués du port, négocia avec des crabes philosophes, et même consulta la grande horloge de l’église Sainte-Catherine, persuadée que ses aiguilles indiquaient la direction de son trois-mâts perdu.
Mais chaque indice la menait à une aventure plus absurde que la précédente :
Un vieux marin lui affirma que son navire s’était transformé en cabane à huîtres.
Une mouette lui jura qu’il était caché dans une assiette de marinière servie au café du port.
Et un poulpe, qui tenait commerce de parapluies d’occasion, prétendit que le bateau était parti voguer sur les pavés de Honfleur, à marée basse, tiré par des chevaux de bois du manège.
Moulissima, malgré tout, gardait foi. Elle se disait que si les moules savaient s’accrocher aux rochers, elle aussi finirait par retrouver son destin accroché quelque part. Et chaque soir, au crépuscule, on la voit encore, silhouette sculptée et digne, scrutant l’horizon du bassin, attendant que l’ombre d’un grand mât se reflète à nouveau dans ses yeux de bois nacrés.

Texte « Florence L »

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